Raissa YAO

Que se passe-t-il, la nuit, au village de la Francophonie ?

Le village de la Francophonie héberge tous les athlètes et tous les artistes des différents pays francophones participants aux compétitions. Une ville dans la ville dans laquelle se côtoient une myriade de nationalités. Mais qui dit ville dit commerce et lieux de divertissements, je suis allée faire un tour pour voir comment ce village vit la nuit.

Vous vous imaginez certainement l’ambiance qui règne au village de la francophonie pendant la journée. Entrainements, répétitions, séances de mise à niveau, voire massages. Mais qui dit nuit abidjanaise, dit village ambiancé.

19h !

J’arrive donc à  l’institut national de la jeunesse et des sports (INJS) dans la commune de Marcory. C’est le vendredi, debut de week-end et la plupart des compétitions sont terminées. Une forte musique m’accueille dès mon entrée. Le village grouille de monde. Des allées et venues dans tous les sens. Des cris de joies et de victoires pour ceux qui sont déjà médaillés mais également ceux qui viennent d’être qualifiés ce jour même pour la finale dans leur discipline, commentaires sur les prestations, accolades.

A peine la sécurité passée que deux stands attirent mon attention. On y fait de la sensibilisation sur le sida et bien sûr la distribution de préservatifs. Ils ont été installés par le ministère de la jeunesse  de l’emploi et du  service civique juste devant le restaurant un endroit fréquenté par tous. Selon la gérante de l’un des stands, son box est sollicité par «  tout le monde ». Athlètes, bénévoles, coach responsable. Chacun vient s’y ravitailler. D’ailleurs j’y croise un responsable gabonais venu s’approvisionner: «  on ne sait jamais il faut toujours être prêt ». Sur 10 cartouches comprenant 150 capotes, la responsable du stand en a déjà distribué 7 depuis l’ouverture de son stand le lundi 24. Du coté du restaurant, les allés et venues continues il est ouvert de 18h à 23 H. chacun y va à son rythme.

Nuit de sport

A quelque mètre de la, un match de foot est improvisé. Les sportifs paralympiques toute discipline et nationalité confondu jouent en toute fraternité. Bruno Yalimmende, Directeur Technique de la  Centrafrique, supervise de loin

«  après une compétition de ce genre, il faut se distraire pour évacuer le stress.  Qu’on ait gagné ou pas, il faut s’amuser un peu parce qu’en  sport il y a toujours un gagnant et un perdant »

Un peu plus loin, le terrain de basket. Alors qu’une partie est occupée par un groupe pour un match amical, l’autre sert au tournage d’un documentaire sur le hip hop. A quelque mètre de là, un spectacle est en cours, le chœur réceptionniste, égaye « les villageois ».  Selon le juddoka burkinabé Erick Sawadogo « ces concerts existent dans le village depuis le lundi, ce qui leur permet de se détendre les soirs »

Des spectateurs un peu dispersés mais concentrés sur le spectacle. Parmi eux la délégation roumaine se fait remarquer de par sa chorégraphie.

Peu après, une démonstration de mapouka faite par le groupe ivoirien nikissaff k dance met la foule en ébullition.

 

21H

Le mini marché « citydia »  est encore ouvert  les sportifs y entrent et sortent avec de quoi grignoter surtout. Il reste ouvert une bonne partie de la nuit. «  L’idée pour nous était de fonctionner 24/24 au niveau du village » cependant les réalités du terrain ne favorisant pas cette option, nous ouvrons de 9h a minuit » explique  Sékou Kone le responsable de communication.

Comme le mini market, les autres commerces, restent également  ouvert jusque tard dans la nuit. Kouma Patricia vendeuse de bijoux  explique qu’«  ici nous ne dormons pas,  il y a des clients jusqu’à 1h du matin. En général c’est à 2h du matin que nous fermons ».

Dans les différents quartiers attribués aux délégations, seuls quelques personnes discutent devant les chambres. Devant le pavillon du Burkina Faso, un *grin s’est formé et l’on partage le thé entre compatriote :

«  les jeux n’auraient pas de sens sans ces rencontres entre amis les soirs. »  Et de préciser que  tout l’équipement pour le thé a été transporté depuis le burkina.

En cherchant le bar du village, je tombe sur des policiers avec lesquels j’échange sur l’heure à laquelle le village dort véritablement :

« ici, les nuits sont longues, jusqu’à 2h du matin, nous avons encore des délégations dehors. Le vrai calme au village c’est à 3h du matin tous les jours.»

23h

Je découvre enfin les makis du village. Le nombre de personnes y est important. Je décide  de rester sage et de rentrer me coucher. En sortant du village je cherche les navettes, un  policier m’arrête net devant l’entrée de la gare des bus « désolé, madame, il n’y a plus  de navette. Elles ont stationné depuis 22h »

Mince ! Qu’est-ce que je fais ?

[alert type= »info » dismiss= »yes »] Grin : ensemble de personne d’une même génération [/alert]

 

 


Ma première fois avec les marionnettes

Il a fallu les jeux de la francophonie à Abidjan pour que j’assiste à mon premier spectacle de marionnettes géantes. J’ai kiffé ! Les êtres géants, les couleurs, la peur de voir le marionnettiste tomber à l’exécution de certains mouvements, les déguisements …

L’égoïsme ne fait pas partie de mon vocabulaire, je partage  donc avec vous mon expérience, en particulier la prestation de l’équipe ivoirienne.

[alert type= »success » dismiss= »no »]Résumé :

Une bulle bleue venue de nulle part renferme la terre, les êtres vivants, l’univers…. En elle, nait une discorde du fait de la diversité de ses composantes. 1000 langues ! 1000 cultures ! Nul ne pouvait comprendre l’autre ou du moins personne ne prenait la peine d’écouter l’autre. Méfiance !  Chacun voyait en l’autre un ennemi. Ils se regardaient tous en chien de faïence.

Les querelles chroniques et l’atmosphère de division qui y règnent entrainent le déséquilibre dans la bulle qui court à la dérive. Vite… Il faut donc réagir pour sauver le bien commun. Les locataires de la bulle décident de trouver un consensus afin d’éviter le pire. D’où le concept du « asseyons nous et discutons ». Mais comment est-ce possible alors que chacun s’exprime dans son dialecte ?

La bulle bleue incarnée par une tête humaine avec toutes ces constituantes que sont le nez, la bouche, les oreilles, les yeux reflète  la diversité à l’intérieur de la bulle. Ces différents organes décident de trouver un accord  afin de continuer leur cohabitation. La solution est vite trouvée : le vivre ensemble malgré tout.

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Libres Ensemble

Vivre ensemble malgré les différences ethniques ! Libres ensemble malgré les opinions diverses ! C’est le message véhiculé par l’académie ivoire marionnettes lors de son passage au spectacle des marionnettes  géantes ce 25 juillet à l’espace canal aux bois.

Selon Yéplé Toussaint porte-parole du groupe  académie ivoire marionnettes,  la pièce  dénommée « excellence » reflète exactement les jeux  de la francophonie qui se tiennent en ce moment à Abidjan mais aussi  le concept de la francophonie au sein  duquel une multitude de race, de langues, de cultures, se retrouvent.

Au delà du beau spectacle que j’ai pu découvrir, cette représentation m’a donné à réfléchir. En fait la bulle m’a fait penser à un pays situé à l’ouest de l’Afrique qui avec ses 26 millions d’habitants accueille en ce moment plusieurs autres états pour un événement qui a lieu tous les 4 ans. Ce pays aurait du être une nation, une vraie d’ailleurs. Sauf que contrairement aux marionnettes de la bulle qui ont pris le temps de s’écouter, de se parler et de s’entendre, les ressortissants de ce petit pays n’ont pas encore pu trouver un accord.

Et vous à quoi vous fait penser la bulle bleue ?

 

 


Les contes fascinent encore…

Massaboulou ! Massaboulou !

Depuis le fond de la salle Moussa Ballo, conteur guinéen, vêtu d’un boubou de dozo*, tchèkerer* en main, fait son entrée sur scène en chantonnant. Son public, déjà impatient, le cherche du regard. Sur la scène, l’instrumentiste derrière son balafon se laisse bercer par Morphée. Une fois sur le podium, alors qu’il doit raconter son histoire, le conteur constate que son acolyte dort. Alors il faut le réveiller !

Moussa avoue qu’il ne peut le faire sans la complicité de son public. L’auditoire est donc sollicité à prononcer la seconde partie du mot magique une fois que le conteur aura entonné la première.

-Massaboulou !
-(l’auditoire) Ahooooo

Le décor est enfin planté. Le conte peut commencer…

Avec un public constitué d’enfants et d’adultes, la salle pleine, hurle pour donner son approbation. Ce soir le conteur est en compétition avec quatre autres pays dont le Canada et la RD Congo.

La tradition africaine est orale. En Afrique, l’Histoire se transmet par des chants, des danses mais surtout par les contes qui constituent l’un des canaux les plus importants qu’utilisent les anciens pour transmettre les coutumes à leurs descendants.

Des moralités qui éduquent…

Chants, danses, mimes, applaudissements, tam-tam… A l’époque, (c’est ce que les personnes âgées disent) le conte était le moment privilégié de distraction mais également d’enseignement des valeurs aux jeunes générations. On y tire des moralités qui éduquent. Dans certaines régions et contrées, cette tache est dévolue aux griots, une caste qui a l’art de la parole et qui la transmet de génération en génération.
Pour le premier jour de conte, ce 23 juillet, Bamba Sita secrétaire de direction a profité de son dimanche pour emmener ses enfants voir la séance :

«  Nous n’avons plus le temps de leur raconter des histoires à l’ancienne à la maison. J’ai envoyé mes filles afin qu’elles puissent s’imprégner des nos réalités africaines. »

Mère de 3 filles, le conte est la seule activité qui l’intéresse à ces VIIIes jeux.
Marie-Paule , 8 ans, qui assiste pour la première fois à ce type de spectacle explique qu’elle est fascinée par le conteur :

« J’ai trouvé  cela amusant surtout les chants pendant qu’il racontait mais également la manière de danser »

Wenceslas le timide, conteur togolais professionnel depuis 17 ans, arrive pour la première fois en Cote d’Ivoire :

« Le public est génial. Ils répondent bien. Parce que ce qui donne la pêche au conteur c’est lorsqu’il y a une communication automatique avec le public, il reprend confiance et peut donner le meilleur de lui-meme, et c’est ce qui vient de se passer »

Pour lui les jeux de la francophonie sont une opportunité pour se faire connaître à l’international.
Il n’y a pas de feu, comme cela se faisait dans le village, pas d’igname ou banane rôti à partager pour dégustation pendant le conte mais l’ambiance est là. Tous étaient contents d’être libres ensemble malgré la diversité.

[alert type= »info » dismiss= »no »]* Tchèkerer: calebasse africaine, recouvert de filet avec des colliers qui fait du buit
*Dozo : chasseur traditionnel[/alert]

 


#abidjan2017 : des chauffeurs de taxi en colère

La sécurisation des VIIIème jeux de la francophonie qui a ouvert ses portes à Abidjan le 21 juillet et ce jusqu’au 31 du mois fait grincer quelques dents dans la capitale économique ivoirienne. Abidjan est sens dessus-dessous et plusieurs stratégies sont mises en place  pour assurer la sécurité des participants et donner fière allure à la ville.

Malgré le grand nombre de visiteurs sur les bords de la lagune Ebrié qui constituent des clients potentiels pour eux, les chauffeurs de taxi semblent ne pas trouver leur compte. La suppression de certaines gares de taxi et l’interdiction de stationner ne sont pas faites pour arranger les affaires. Koné Adama, chauffeur de taxi, ce 22 juillet :

« C’est vraiment énervant ! Nous ne pouvons plus travailler. Nous n’avons le droit de stationner nulle part pour prendre un client parce que les  forces de l’ordre nous l’interdisent. Doit-on arrêter de travailler pour nourrir nos familles parce qu’il y a les jeux de la francophonie ? »  

Selon ses dires, il tourne depuis quelques jours dans la zone sud d’Abidjan où se trouvent plusieurs sites dédiés aux jeux de la francophonie espérant avoir plus de clients. Cependant il dit se heurter à chaque fois aux forces de l’ordre. Cissé Amidou vit également la même situation :

« Nous sommes censés gagner un peu plus en cette période où Abidjan est plein de touristes. Nous voulons aussi en profiter mais les policiers nous empêchent de stationner aux endroits où les événements se déroulent. Finalement on ne sait plus quoi faire…»

Ces taximan dénoncent tous l’excès de zèle des forces de l’ordre qui selon eux constituent un obstacle à leur travail.

Excès de zèle

Drissa Kamagaté a lui été interpelé à  trois reprises par les policiers rien que dans la journée  du 21 juillet. Ces derniers menaçaient à chaque fois de  lui retirer son permis de conduire.

« En plus s’ils le prennent je vais devoir payer pour le récupérer » lance-il. Pour lui c’est une autre occasion pour ces forces de l’ordre de leur prendre des sous. « Ils sont payés pour ces jours-là mais veulent se débrouiller pour nous racketter ».

Du coté des taxis communaux et intercommunaux, la situation est la même. Georges Gueu chauffeur de *woro-woro dans la commune de Cocody affirme que depuis le début de la semaine il est difficile pour lui de s’arrêter à chaque carrefour comme il le faisait auparavant pour prendre des clients. Il lui arrive donc de faire de longues distances sans prendre de clients ; ce qui selon lui aura un impact négatif sur sa recette journalière. De quoi le mettre en colère. Cette fureur de conducteur, Viviane Abeba a failli en payer les frais le 20 juillet après que les forces de l’ordre aient déguerpis les gares de taxis communaux au grand carrefour de Koumassi.

«  J’ai manqué de me faire lyncher par les chauffeurs de wôrô- wôrô et chargeurs de véhicules qui m’ont menacé juste parce que j’avais mis un tee-shirt a l’effigie de la francophonie. »   Elle explique que les conducteurs et leurs adjoints tenaient à défouler leur colère sur elle au motif que les jeux de la francophonie étaient la cause de leur souci- quoique ce soit une partie de la chaussée qu’ils utilisaient comme gare ce qui favorisait des embouteillages monstres. Mais pour Ladji Harouna venu du Niger et usager de taxi le dispositif est compréhensible «  pour une manifestation de cette envergure, on comprend que le dispositif sécuritaire soit ainsi. »

Périmètre de sécurité

Interrogé sur la raison pour laquelle les taxis n’étaient pas autorisés a stationner près des sites réservés à la francophonie K. A agent du CRS II explique :

« c’est le périmètre de sécurité qui a été défini. C’est pour votre propre sécurité ainsi que celle des jeux. Nous ne savons pas ce qu’un véhicule qui stationne peut transporter ».

En sus il mentionne le désordre que ces chauffeurs créent à chaque fois qu’ils s’arrêtent. Quant à son supérieur L.S il affirme :

« Nous sommes désolés pour le désagrément mais il va falloir vous armer de courage car cela risque de s’accentuer ».

[alert type= »info » dismiss= »yes »] *worô-wôrô : taxi communal[/alert]